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Et oui, Colette a des expressions spéciales du Québec, ici nous avons les « bretonnismes ». Bien que dans les
écoles de la république il y avait marqué : « il est interdit de cracher par terre et de parler breton « , nous
avons traduit certaines expressions en français, et, certains messieurs de Paris les prononcent sans savoir
d’où elles viennent…Un écrivain du Finistère, Hervé Lossec, vient d’en mettre certains sur le devant de
la scène. Je vous livre une compilation extraite de notre quotidien régional :
« Jean est autour de ses vaches. ».
Bien sûr il ne s`est pas enroulé autour d`une bête à cornes
mais il s`en occupe tout simplement. C`est la traduction littérale de : Yann a zo war-dro e
saout. Le verbe être (conjugué en zo) et modifié par une préposition (ici : war-dro, autour)
offre toute une palette de possibilités en breton, mais la traduction mot à mot réserve bien
des surprises
« Casser la soif. ».
Belle expression imagée comme seule la langue bretonne peut en faire.
Traduction littérale de terriñ ar sec’ched, tout comme casser la faim terriñ an naon.
Même si en français, on peut casser bien des choses, comme la dalle ou la graine,
on ne peut qu’étancher ou apaiser sa soif.
« Celui-ci est arrivé grand maintenant. »
Comprendre : il a grandi ces derniers temps, dit-on en voyant un enfant, par exemple. Traduction littérale
de hemañ zo erruet bras bremañ. En breton, le verbe arriver (errruet) a aussi le sens de devenir.
« Je suis content d’aller avec toi. »
En breton Kontant on da vont ganit. C’est-à-dire : Je suis d’accord de
t’accompagner. Le mot Kontant signifie ici, être d’accord, bien vouloir ou accepter.
En breton, comme pour d’autres langues, il faut se méfier des faux-amis.
« Jamais autant. »
Traduction littérale de Biskoazh kemend-all ! Ce qui correspond à : c’est inouï,
c’est incroyable, quel culot ! Cette expression bretonne, en principe intraduisible,
est aussi utilisée telle quelle, ou abrégée en biskoazh. Ce qui est intéressant
et surprenant à la fois c’est de constater dans la traduction l’association de 2
mots exprimant des idées contraires. Le breton n’a pas fini de nous étonner.
« La moitié plus. »
En breton An hanter muioc’h. Ce qui correspond à : deux fois plus. En partant du chiffre dix par
exemple, La moitié plus fera vingt pour un breton alors qu’un français obtiendra quinze. Par
contre La moitié moins donnera le même résultat en breton et en français. Le breton est parfois
malicieux.
« Attention de tomber ! »
C’est exactement l’inverse de ce que l’on veut exprimer Attention de ne pas tomber. Traduction
du breton diwall da gouezhan ou taol evezh da gouezhan. Diwall et taol evezh exprimant déjà
attention de ne pas il n’a pas semblé, sans doute, utile, d’ajouter la négation au français local.
« La porte est clétée. »
Traduction ici du participe passé breton prennet, fermé à clé. C’est concis et précis. Mais le français
standard oblige à passer par une périphrase : la porte est fermée à clé. Des variantes existent aussi
dans des parlers régionaux (clencher, cleyer), le breton est riche et varié.On dit aussi crouillé en gallo.
« Celui-là va attraper son pegement avec moi ! »
Ici , il y a plusieurs bretonnismes qui s’associent. Intéressons-nous à pegement, qui signifie combien en
breton. Attraper (recevoir) son pegement, c’est en quelque sorte dire à quelqu’un combien je vais
t’attraper, je vais te remettre en place, te remonter les bretelles. Je me souviens que mon père utilisait
souvent cette expression qu’il avait souvent entendu dans son enfance. L’héritage.
« J’ai été mordu avec le chien. »
En breton, on use et abuse de la forme passive. On exprime le résultat de l’action plutôt que son déroulement. La forme passive nécessite l’emploi de la préposition avec , ce qui explique son emploi fréquent en breton et du coup en français local. Ici c’est la traduction de Kroget on bet gan ar ch’i. Littéralement : mordu j’ai été avec le chien. Phrase à inverser, en français standard : le chien m’a mordu.
« J’ai mis mon nom pour partir en voyage. »
C’est la traduction littérale de Lakaet em eus va ant evut mont da veajiñ. Type de phrase que l’on entend
encore très souvent même dans la bouche de personnes ne connaissant pas un mot de breton. Le français
dira : je me suis inscrit pour partir en voyage, moins poétique…
« N’oubliez pas de tirer vos chaussures ! »
Traduction du verbe breton tennañ qui s’utilise dans un sens plus large qu’en français académique.
Ici pour dire : enlever, ôter. Mais tirer peut aussi signifier prendre ou encore arracher. On tire bien
les patates chez nous !
« Y’a eu du reuz ! »
Voilà un mot que l’on glisse volontiers dans les conversations, par malice ou connivence. Il y a eu du reuz :
du bruit, de l’agitation. Reuz ou encore freuz (tumulte, destruction) pourrait d’ailleurs remplacer
avantageuseument le terme anglais buzz. Le français s’est construit à partir des langues régionales,
pourquoi ne pas y puiser encore pour l’enrichir.
« Tos-tos. »
Un joli mot breton pour dire : auto-tamponneuses. Ce dernier était sans doute jugé trop long.
On lui a donc préféré un dérivé du verbe breton tosañ qui signifie : choquer, heurter. Ce verbe
a par ailleurs été francisé en tosser, signifiant la même chose mais employé dans le domaine
maritime uniquement : le bateau a tossé le quai.
« On a eu du goût ! »
Ce n’est pas du tout dans le sens français de goût, mais une traduction de plijadur a zo bet. Traduction
mot à mot : Du plaisir on a eu. A comprendre ici dans le sens de On s’est bien amusé, on ne s’est pas ennuyé.
Autre exemple d’emploi similaire : Celui-là c’est un drôle ne veut pas dire comique comme en français
mais : bizarre, étrange, un peu dérangé. C’est le sens breton de drol.
« J’irai avec toi, aussi vite. »
Ne veut pas dire : je t’accompagnerai aussi rapidement mais à peu près ceci : sans doute, tout aussi bien,
pour un peu, il s’en faudrait de peu. Aussi vite employé couramment ainsi est une traduction, mot à mot,
de ken dillo ou de ken buan all, mais avec un sens figuré en breton uniquement.
« Tu as un crayon avec toi ? »
Traduction littérale de Ur c’hrelon a zo ganit ? C’est précis mais incorrect en français. La langue bretonne
fait la différence entre possession absolue et possession momentanée. On peut posséder un crayon mais
ne pas le détenir sur soi au moment où l’on vous le réclame.
« A Ploudaniel, je vais ! »
Phrase révélatrice de la syntaxe bretonne qui met en tête l’élément important de le phrase,
celui qui répond directement à la question posée. Cette heureuse liberté lui donne plus de
précision et d’expressivité, très éloignée du sacro-saint sujet-verbe-complément relativement
figé du français. Pour exprimer, par exemple, Je vais à Ploudaniel, il n’y a pas moins de huit
possibilités différentes en breton et une seule en français ! Amusez-vous à les recenser ou
demandez à votre voisin. Pour ma part, j’ai une amie qui me propose souvent Un café, tu auras ?
« Causer il fait, mais travailler il ne fait pas ! »
Encore un bel exemple de la souplesse de la syntaxe du breton. En gallo : « Grand bavoux, petit faisou! »
C’est la traduction exacte de : Kaozeal a ra, met labourat ne ra ket !.La phrase commence par un infinitif
associé à l’auxiliaire ober (faire) conjugué ici en a ra pour mettre l’action en relief. Cette façon de procéder
donne des phrases étonnantes et amusantes.
« Il y a eu du bruit avec eux. »
Traduction de trouz a zo bet ganto : du bruit il y a eu avec eux (ils ont fait du bruit). La préposition
avec gant est omniprésente en breton du fait de l’emploi immodéré de la forme passive et se retrouve,
en conséquence, en français local. On lui attribue les différents sens habituels du avec français, mais
aussi la valeur de : par, chez, de, et, à cause de, au moyen de, à, en, même, que, contre, pour, sur…
Lorsque l’on peut remplacer << avec >> par une de ces prépositions, le bretonnisme est avéré.
Une fois la phrase traduite, il convient parfois de modifier le verbe ou d’inverser les mots
(ce qui est le cas ici).
« Mets-lui un coup donc ! »
Ne craignez rien, on ne va pas vous frapper. C’est simplement la traduction littérale de Laka
ur banne dezhañ, ta ! signifiant : sers lui donc un verre ! A la différence du français, le breton
oppose ce qui est liquide, banne traduit par << coup >> à ce qui est solide, tamm, soit un bou
t ou un morceau. Si l’on vous propose un coup de fort, ur banne hini kreñv, il s’agira d’alambic
ou d’alcool fort.
« Celle-là, c’est une pikez ! »
Pikez, nom breton de la pie-grèche, et au figuré : chipie, coquine, commère, qui adore lancer des piques ou des coups
de becs acérés comme celui de la pie. Bizarrement, ce mot n’a pas d’équivalent masculin. Plusieurs mots bretons, courts
en général, ont ainsi été conservés dans notre parler local et c’est heureux car il faudrait parfois une phrase complète
pour traduire avec exactitude toutes leurs nuances. Ils sont irremplaçables.
« Attraper »
En Bretagne bretonnante, c’est spontus (terrible) tout ce que l’on peut attraper. Mais parfois on ne peut pas
attraper partout (on ne peut pas tout faire !). Au lieu de prendre, on attrape froid, un rhume, chaud, une suée…
Un enfant peut même attraper avec son père : se faire gronder. On peut aussi attraper le train à Landerneau…
Ou pire un accident ! Traductions exactes du verbe pakañ ou de son synonyme tapout.
« Pour maintenant, il doit être arrivé ! »
Calque du breton, a-benn bremañ pour dire << à présent >>. Au futur, on dira : Pour alors
(d’ici là), il sera arrivé, traduction de a-benn neuze. D’autres exemples d’emploi de prépositions
ou adverbes. << Il fait froid de retour ! >> (de nouveau), traduction de en-dro qui a les deux
sens en breton. << Je suis venu ici encore ! >>, à la place de << déjà >> c’hoazh a aussi les deux
sens. << Il n’est pas venu ici, toujours ! >> pour << en tout cas, assurément >>, traduction de
bepred qui s’utilise aussi dans les deux sens.
« Qu’est-ce que tu auras ? »
Traduction mot à mot de Petra po ? Plus souvent transformé en << Qu’est-ce que tu prendras ? >>. En breton,
on emploie le futur, appelé futur proche, pour exprimer une invitation, une incitation, un souhait ou une envie.
Là ou un francophone utilise le présent et dit << Qu’est-ce que tu prends ? >>. Autre version, plus familière :
<< Qu’est-ce qui ira avec toi ? >> issue d’une autre formulation typiquement bretonne, petra az aio ganit ?.
« Il est parti avec le cancer »
Phrase parue récemment dans la rubrique nécrologie d’un quotidien régional. On devrait toutefois
s’en réjouir car en première lecture, nous voilà débarrassés enfin de ce terrible fléau. Mais, hélas
ce n’est pas le malade qui a été emporté par le cancer, c’est le cancer qui l’a emporté. Cette traduction
correspond mot à mot à la formulation bretonne.
« Celui-ci n’est pas bien ! »
Il faut comprendre : il est un peu dérangé. En français local, on emploie souvent celui-ci ou celle-là à la place
de lui, il ou elle. Copie conforme du breton où le pronom démonstratif, plus précis, joue souvent le rôle de
pronom personnel. On peut s’adresser ainsi, de façon familière, directement à quelqu’un à la troisième
personne, en gardant même parfois en prime le pronom personnel. << Celui-ci, il a grandi ! >>
« Ruser ses pieds »
Ce n’est pas du tout le sens du français << ruser >>, mais du verbe breton rusañ, francisé et signifiant
tout à la fois : traîner ou glisser en faisant du bruit. Ce n’est donc pas surprenant que l’on ait francisé
rusañ, plus concis et expressif. Il faut aussi noter l’usage du pronom possessif calqué sur le breton.
Plusieurs générations d’écoliers bretonnants se sont fait taper sur les doigts pour ne pas avoir utilisé
l’article défini (ici : les) de règle en français dans un tel cas.
« Il n’y a plus rien de toi ! »
Voilà une phrase mystérieuse pour un nouvel arrivant en Basse-Bretagne. C’est la traduction
mot à mot de n’ez eus netra ken ouzhit pouvant se traduire par : tu as maigri, fondu ! Plusieurs
phrases complètes, transposées du breton sont ainsi passées dans notre parler courant. Ainsi,
par exemple : << Le lait est venu au feu >> soit : le lait a bouilli, la casserole a débordé. Ou
<< Tout est parti avec lui >>, il a tout emporté, tout mangé (Aet eo tout gantañ). Ou encore,
<< Les fleurs sont parties avec le gel >>, elles ont gelé.
« C’est pas mal ! »
Traduction en langage courant de N’eo ket fall !. Mais il faut comprendre :
c’est très bien, voire excellent. En breton, il est courant d’utiliser la litote.
Des textes anciens l’attestent et son usage, de nos jours, en français de Basse-Bretagne,
serait plus fréquent qu’ailleurs, selon les linguistes. En engageant une
conversation à propos du temps, ne vous étonnez donc pas d’entendre
comme réponse << Y’a pas à se plaindre ! >> (n’es eus ket da glemm !),
même si le soleil brille vailamment dans un ciel bleu azur.
« J’ai mis ma veste en pendant »
Elle est donc accrochée, en suspens, suspendue. C’est une traduction directe de a-istribilh.
Cet adverbe breton a aussi trouvé une autre vie en français local sous la forme de en distribill
pour signifier : en désordre, inachevé, resté en panne. On dit aussi que quelqu’un est en distribill
quand il marche tou a-dreuz (de travers, de guingois) ou encore qu’il part en pilhoù (chiffons, loques),
donc qu’il est mal fagoté, qu’il va en déconfiture.
« C’est justig ! »
C’était donc à peine suffisant, tout juste, voire même ric-rac !. La terminaison en ig
(ik s’il s’agit d’un adjectif) est, en breton, la marque d’un diminutif, de la forme affective.
Petit Pierre se dit Perig. En l’ajoutant à des mots français ou bretons, elle permet de mieux
nuancer son sentiment avec souvent une pointe d’ironie et surtout une grande complicité.
Ces mots usuels sont souvent écrits à la française : justique, tristique…
« Celle-là a été au lit 15 jours avec le docteur et il ne lui a rien fait ! »
Comprendre : le docteur lui a prescrit de garder le lit et elle n’est toujours pas guérie. Type de phrase
faisant toujours beaucoup rire et traduction littérale du breton. Tout comme cet adolescent qui
affirmait : On m’a dit d’aller au lit avec la bonne soeur. Phrase à inverser , pour éviter toute ambiquïté,
car c’est bien la religieuse qui lui avait ordonné d’aller se coucher.
« Jeter de l’eau sur le corps »
C’est-à-dire : faire une visite mortuaire lors de laquelle le premier geste consistait à asperger le corps
du défunt d’eau bénite. A l’époque, on se rendait à domicile dire sa prière avec le mort (lavaret e bater
gant an hibi marv). Les temps ont changé mais en milieu rural et dans les petites villes où tout le monde
se connait, il reste un rite immuable : celui de regarder en premier les morts (la page des obsèques)
sur le journal.
« Il va trouver grâce »
Il va trouver grâce d’avoir de l’aide, par exemple. Le mot grâce est souvent employé chez nous, bizarrement,
dans le sens breton de la locution kavout gras). Mot à mot : trouver du soulagement (être soulagé).
En français, << trouver grâce >> signifie : plaire, être pardonné, gagner l’indulgence de quelqu’un.
C’est ce que l’on appelle une formule a-dreus (de travers, ici dans le sens de bancale).
« Tu mets de l’eau à celui-là alors que tout le monde sait qu’il est parti avec le vin ! »
Réflexion authentique d’une pikez (commère, chipie) à une brave qui arrosait les fleurs
sur la tombe de son défunt mari. Voua aurez compris que ce dernier n’est pas mort de soif,
bien au contraire. Cette phrase est un petit concentré de bretonnismes sympathiques.
Autres bretonnismes glanés ici ou là :
Lonker : du verbe lonkan, avaler comme un glouton, engloutir, boire avec excès. Un lonker
est donc un soiffard, un ivrogne. Celui-là il a pas été long a lonké sa vie comme une barrique.
Dresser : dans le sens de corriger. Si tu rentres pas frais du Réveillon, sûr que ton père sera pas long à te dresser !
Il n’y a plus rien de toi ! :
tu as maigri fondu ! Dans la même veine on trouve : le lait est venu au feu.
Il est complètement dans le lagenn (se prononce lag guen) après avoir pris une
chidourn au bourg : être dans une fâcheuse situation après être rentré aviné du bourg.
Chourer : caresser, flirter. Rien à voir avec l’argot voler, dérober. C’est pas pour dire
mais y’en a des qu’on voit chourer dans les ribin plus souvent qu’à leur tour.
« Envoyer »
L’usage local de ce verbe étonne beaucoup les visiteurs mais fait aussi peur aux puristes locaux. A tel point
qu’ils évitent de l’employer, même à bon escient. Qu’ils soient rassurés, on peut envoyer une lettre, un
cadeau par la poste, comme on envoie un mail ou des nouvelles à ses amis, les enfants à la mer ou chez
la grand-mère. Trop compliqué ? Alors, dans le doute, continuez d’envoyer vos affaires avec vous, ou
encore un cadeau à un ami, même si vous le lui remettez en mains propres ; et si quelqu’un vous dit :
« Ce n’est pas français ! », envoyez-le paître.
« Envoyer (suite) »
Dialogue entre un breton et un fonctionnaire nouvellement nommé chez nous montrant
quelques emplois a-dreuz (de travers) du verbe « envoyer » : « Bonjour Monsieur, vous avez
vu la lettre que je vous ai emmenée ? » « Non », répond le fonctionnaire tout en pensant « Mais
comment peut-il penser que j’ai pu déjà lire cette lettre qu’il m’apporte ? ». Il se hasarde donc
à demander diplomatiquement : « Vous l’avez apportée cette lettre, alors ? » Étonnement de
notre compatriote : « Ben, non, je ne l’ai pas envoyée avec moi puisque je l’ai emmenée par la poste. »
« L’Ouest-France est tard ! »
Normal puisque la distributrice de journaux était tard, elle aussi. Ce qui est exceptionnel. Mais la
voisine était tôt à se lever comme d’habitude. Tard ou tôt, en français sont des adverbes qui ne
peuvent être employés comme adjectifs attributs du sujet. Leur emploi correspond ici à celui
d’Ar gazetenn azo diwezhat (le journal est tard : en retard, tardif). ou l’inverse abred (tôt : de
bonne heure). En français, quelqu’un ou quelque chose ne peut être qualifié de « tard ou tôt ».
Mais vous pouvez vous exclamer : « Oh là là, il est tard ! » En constatant qu’il est déjà 23 h 00
et plus que temps d’aller au lit.
« Je n’ai pas encore vu le facteur ce matin ! »
La syntaxe est correcte en français et signifie : je n’ai pas vu le facteur pour le moment. Donc,
il n’est pas passé, je le verrai quand il passera. Mon voisin breton, quant à lui, comprendra
ceci : une nouvelle fois, je n’ai pas vu le facteur (qui vient de passer) ou une fois de plus,
j’ai loupé le facteur. L’adverbe encore placé directement après la négation est pris ici dans
le sens breton de « adarre » (à nouveau, une fois de plus), une des deux traductions de
« encore », l’autre étant « c’hoazh« .
« Bon, moi je vais toujours ! »
Voila ce que peut dire un mari pressé ou impatient à sa femme qui traîne dans un magasin.
Ou la femme au mari en grande discussion avec ses amis au bar. Traduction exacte de :
« me’zo o vont atav » qui sous-entend pour un bretonnant « Bon, j’y vais ! (le y est souvent
omis chez nous) ou je pars dès à présent, immédiatement. Ou encore : je suis pressé,
je ne t’attends pas. L’adverbe toujours, contraction de « tous les jours », ne possède pas
« toujours ce sens en français.
« Mettre du sent-bon »
Traduction littérale de « lakaat chwezh-vat« . On met du sent-bon pour aller au « friko » (noce) ou « chourer«
dans les « ribin » (flirter dans les chemins creux), par exemple. C’est donc, se parfumer et, le plus souvent,
de façon exagérée. De quoi s’entendre dire : « Gast ! (veut dire « putain! » comme interjection…) Ça sent bon
avec toi aujourd’hui, sûr que c’est ! » L’expression mettre du sent-bon est plutôt employée par connivence
ou plaisanterie. Elle est connue au-delà de la Bretagne bretonnante.
« Tu viens quand en retraite ? »
En effet, chez nous, bizarrement, on vient en retraite. On ne part pas, on ne va pas en retraite, comme
la plupart des français. Il faut y voir, sans doute, l’influence de l’utilisation de ce même verbe « venir »
dans les expressions bretonnes comme « war e leve » ou encore « dont e retred » soit, littéralement,
« venir sur ses rentes » ou « venir en retraite ». Si l’action est déjà passée, vous entendrez dire :
« Fanch Le Gall est venu en retraite le mois dernier, t’as pas su, don’ ! »
« Buzz ou reuz ? »
Plus de 4 000 mots anglais sont couramment utilisés sur Internet et dans les conversations
branchées. Le breton, dans sa modernité et sa concision, peut venir au secours du français
qui semble manquer de créativité pour faire face à l’envahisseur.(comme le québecois d’ailleurs…)
Exemple : buzz : reuz (bruit, chahut) ; clash : freuz (ruine, désordre, violence, destruction) ;
bug : a-dreuz ((de travers, à travers) ; talk : diviz (conversation, dialogue, entretien) ;
chat : flap (tchat) ; burning out : skuizh marv (fatigué (très f.), crevé (de fatigue)) ;
VIP : pennoù bras (chef, notable). Ou bilingues : overbooké grave : à bloc Jean Floc’h !
Connus de tous, ces mots sont bien plus expressifs et tout aussi concis que les mots anglais.
« Tout le monde a son billet dans le derrière, là-bas ? »
s’inquiétait un chauffeur de car en s’adressant de son poste de conduite, aux passagers assis à
l’arrière de son véhicule. Ainsi rassuré, il pouvait fermer la portière et démarrer son véhicule.
Il confondait simplement arrière et derrière a-dreñv qui ont quasiment le même sens en breton.
« Arrière – derrière (suite) »
Les voyageurs se pressaient devant la portière avant du car, ne sachant pas qu’à l’arrière une
porte latérale équipait maintenant ce véhicule tout neuf. Notre aimable chauffeur proposa tout
de go : « Attendez, je vais ouvrir mon derrière, comme ça ce sera plus facile à rentrer dedans.
. » Personne ne s’est offusqué. Phrase copiée sur le breton montrant la confusion fréquente
entre arrière et derrière tout comme l’emploi particulier du possessif.
« Tapez dedans ! »
Vous dit la maîtresse de maison en apportant le plat sur la table. Il faut comprendre :
servez-vous largement ! dans le jargon sportif, ce sera : produire un effort ; et dans le
domaine mécanique ; tirer sur un moteur, l’amener à son maximum; en breton, on peut
dire ainsi skoit-e-barzh (tapez dedans !) ou sachit ganeoc’h (tirez avec vous !), pour
souhaiter bon appétit.
« Vous êtes en même temps ? »
… demanda la vendeuse à deux clientes qui papotaient en attendant leur tour. Elle voulait dire « Vous êtes
ensemble ?« , bien sûr. « En même temps » peut également prendre le sens de « ce n’est pas étonnant car… »
Comme dans les phrases suivantes : « Il est mort jeune ! En même temps, il ne refusait jamais un coup à
boire. » Ou encore : « Elle a souvent mal à la gorge, en même temps elle n’allume jamais son chauffage.«
« Un sac vide ne tient pas debout »
Encore une expression bretonne (ur sac’h goullo ne chom ket en e sav), couramment
employée dans sa version traduite mais non attestée en français. (ma grand-mère le
disait souvent pour nous faire finir les « platées » qu’elles nous avait préparé, ou : « tu as
des kilos à entretenir pour les plus gros…) C’est évident qu’il faut manger pour être en
forme, pour travailler, et cette expression ne déparerait pas dans les encyclopédies
françaises. On pourrait même y ajouter un complément ur sac’h re leun ne chom ket
en e sav kennebeut (un sac trop plein ne tient pas debout non plus !).
« Celui-là, il est toujours à randoner du matin au soir »
Ce n’est pas un marcheur impénitent, un adepte de la randonnée ou de la marche nordique, mais un
radoteur, un discoureur ennuyeux, un randoneur donc, avec un seul n. Mot construit à partir du
verbe randoniñ) du même sens. Il y a parfois des randonneurs qui sont randoneurs. Qu’est-ce qu’il
est rengaine dira-t-on alors, en utilisant bizarrement ce mot français comme adjectif. Le Grand
Larousse et le Petit Robert n’avaient pas prévu cela.
« J’ai presque envie »
Ce qui sous-entend l’inverse : je suis complètement décidé. L’expression est correcte
en français, mais dans notre région elle s’emploie surtout sous forme d’euphémisme,
pour faire comprendre beaucoup plus qu’on ne dit. Tout comme quand vous entendez :
« C’est pas mal » (n’eo ket fall), il faut comprendre : « C’est très bien, et même : super !
» C’est une constante en breton. D’aucuns y voient toute l’expression de l’humilité
de la culture bretonne.
« Je vois le facteur qui arrive par la fenêtre »
Problème de syntaxe, et de plus, confusion, sans doute, entre par et à travers, se
traduisant par la même préposition en breton dre. Un autre classique, entendu du
côté de Douarnenez (29), où l’on cultive fièrement, et à juste titre, les particularités
linguistiques : fin de la journée de pêche, de sa maison dominant le port, une maman
appelle son fils : « Viens vite donc, mignon, viens voir ton papa qui rentre avec
son bateau par la fenêtre« .
« Il est interdit de changer de place aux chaises »
précisait une affichette placardée dans la cantine. Ce texte avait beaucoup
choqué un professeur de français, nouvellement nommé dans le Finistère.
Il avait raison. En effet, « changer de place » n’est pas attesté dans nos
dictionnaires. Eh, oui ! On devrait dire « changer les chaises de place » ou
» changer la place des chaises » comme on change son fusil d’épaule et
non pas l’inverse sañset (parait-il).
« Changer de place, de côté »
En français, on ne peut pas changer de place à sa voiture ni changer de bout au bâton comme en
breton cheñch penn d’ar vazh ! En français académique peut-être, mais chez nous qui nous
l’interdira ? Tout comme ce promeneur qui, pour éviter de se retrouver nez à nez avec sa pikez
(commère, chipie) de voisine, n’avait pas hésiter à « changer de côte à la route« . Quand on y
réfléchit, c’était quand même entreprendre de gros travaux à cause d’une petite brouille.
« Être entre deux »
Hésiter, calque exact du breton bezañ etre daou. En français standard,
cette expression est toujours suivie d’un substantif « Avoir le cul entre
deux chaises », « Être pris entre deux feux ». On la trouve aussi avec un
article défini : « Entre les deux mon cœur balance » . Un breton qui est
entre les deux est hésitant ou ne se dévoile pas. Quand on le croise
dans l’escalier, par exemple, on ne sait jamais s’il est en train de
monter ou de descendre.
« Il a trouvé dur »
Utilisé, le plus souvent pour exprimer une peine, un grand chagrin atteignant le moral. « Il a trouvé
dur quand sa femme l’a quitté ». En breton, on utilise kavout diaes pour une peine morale et kavout
start quand il s’agit d’une difficulté physique. Les deux locutions se traduisant par « trouver dur » ce
qui peut expliquer l’emploi de « c’est dur » pour signifier « c’est difficile ». En français « dur » peut être
synonyme de « difficile » mais en étant suivi de « à » : être dur à comprendre, dur à la détente. En
principe, car sous l’influence de l’anglais « hard », cette règle est maintenant malmenée.
« Le « combien » tu es à l’école ? »
Calque de Ar pet amaout er skol ?. En langage populaire, il s’emploie en substantif
dans « Le Combien on est aujourd’hui ? » pour parler de date ou « Du combien vous
chaussez ? » pour la pointure ou la taille, mais pas dans le sens de place ou rang.
En français, on dit souvent le combientième, ce qui est admis mais considéré
comme maladroit. On devrait normalement dire « le quantième », mar plij !
Le « combien », c’est pas mal non plus !
« On n’a pas été ennuyé avec lui ! »
Pour exprimer que l’on s’est bien amusé, que l’on ne s’est pas ennuyé un seul instant en sa compagnie.
Un francophone comprendra qu’il ne nous a pas embêtés, importunés. Dans le même registre, si
« Jean n’est pas gêné avec Jeanne.« , c’est qu’il ne se soucie pas beaucoup d’elle. Et, si vous dites
« Je suis malade avec Jean chez nous.« , il ne faut pas déduire hâtivement qu’il y a deux personnes
malades à votre domicile mais que c’est votre Jean à vous qui vous rend la vie insupportable.
« Avec lui, le vin sera taillé. »
Il ne s’agit pas d’un vigneron travaillant du sécateur, mais d’un radin qui ne sert pas
beaucoup de vin à ses invités. Traduction du verbe tailhañ : mesurer, rationner. Ce
qui me rappelle, les propos de cet ouvrier agricole se réjouissant à l’avance d’aller
moissonner dans une ferme du voisinage, car là-bas le patron servait du vin à « perfusion« .
Ce n’est pas à proprement parler un bretonnisme, mais l’occasion était trop belle pour
placer cette superbe image. Autre particularité, l’emploi familier de « tailler » dans le sens
de déguerpir, foutre le camp. « On taille » quand ailleurs « On se taille ».
« Aller en riboul, aller en piste ! »
Riboul désigne, à l’origine, le passage étroit, difficile, tracé par le passage
d’animaux. De là à l’appeler « piste », il n’y a qu’un pas. C’est sans doute celui
qui a été franchi allégrement, dans nos villes, en pensant peut-être franciser
riboul. Alors, chez nous on va en piste, on taille en piste, on tire une piste
quand on sort, en bande généralement, en écumant les bars ou en
prolongeant jusqu’au bout de la nuit une soirée entre amis.
Expression française qui étonne nos visiteurs et introuvable
dans nos dictionnaires.
« J’ai été obligé de rire ! »
L’emploi du verbe « obliger » dans ce type de situation étonne, paraît-il, nos visiteurs. Tout le monde
comprend que l’on veut dire : « Je n’ai pas pu m’empêcher de rire ». Mais vu de l’extérieur cela
sous-entendrait aussi : « Ce n’est pas ma nature habituelle de rire, veuillez m’en excuser, mais là,
vraiment, je n’ai pas pu m’en empêcher ». Donc, rire, s’amuser n’est pas inscrit dans les gènes des
bretons et serait contre nature ? Ma, biskoazh kemend-all, jamais autant ! (C’est incroyable !).
Alors, ça, ça me fait rigoler tant que tant et c’est pas un peu que c’est !
« Celui-ci s’est un, ‘vat ! Un quoi ? »
Pas besoin de préciser, comme dans l’expression bretonne traduite ici mot-à-mot :
hemañ a zo unan, ‘vat ! c’est donc un drôle de numéro, de coco. Messieurs, rassurez-vous,
il existe aussi un équivalent féminin « Celle-ci, c’est une ! », ou encore, « Tu parles d’une,
alors ! ». On peut ainsi s’adresser à notre interlocuteur à la troisième personne en
employant, toujours comme en breton, le pronom démonstratif à la place du
pronom personnel, sans que cela soit péjoratif.
« Mon pull neuf est allé à l’eau, qu’est-ce que je vais faire de lui, mai’nant ? »
Se lamentait une maman en constatant que le pull nouvellement acheté avait rétréci
au premier lavage. Non, il n’a pas été emporté par le courant comme on pourrait le
supposer. Traduction littérale de va sae-stamn nevez zo aet gant an dour (Mon pull
neuf est allé à l’eau). Tout comme la deuxième partie est la traduction de petra a rinh
dioutañ bremañ. En français standard, on préférera « Qu’est-ce que je vais en faire à présent ? »
« Ce n’est pas la mort de mille hommes »
Dit-on souvent en copiant l’expression bretonne : n’eo ket marv mil den. Pourtant,
en français central, un seul homme suffit pour exprimer la même chose : « Il n’y a pas
mort d’homme ». Pour une fois, les bretons, pourtant fervents adeptes d’euphémismes
ou de litotes, sont pris ici en défaut d’exagération. N’eo ket strik ! (Ce n’est pas grave !).
Il n’y a pas de quoi fouetter un chat, autre sens de cette expression.
« T’es plus avancé maintenant ! »
Cette traduction littérale avansetoc’h out bremañ, le plus souvent employée ironiquement, signifie avoir
fait quelque chose de parfaitement inutile, voire à l’encontre de ses propres intérêts. « Tu as vendu ta maison
pour que dalle, te voilà plus avancé maintenant. » ou « Tu es tombé parce que tu as voulu courir trop vite !
T’es avancé, vat ! ». En français, « être plus avancé » s’emploie habituellement dans le sens de « être plus
développé » : « L’industrie spatiale américaine est plus avancée que celle de la Russie. », sañset (parait-il !).
« Tais-toi donc ! »
Formule utilisée pour solliciter l’attention de l’interlocuteur ou approuver ce qu’il vient
de dire. Emploi bizarre, que l’on retrouve aussi en breton : Re peoc’h din’ta ou Chom sioul’ta !.
N’hésitez pas à continuer la conversation même si l’on vous dit « Tais-toi, don’ !« , comme dans
cet exemple à propos de la couleur du temps, thème idéal pour engager une conversation :
« Qu’est-ce qu’il fait chaud aujourd’hui, hein ? – Oh ! Tais-toi donc, ma pauvre ! Je ne sais
plus où me mettre que c’est !«
« J’ai avalé son nom »
Alors qu’ailleurs le nom que l’on cherche est au bout de la langue, nous n’hésitons
pas à l’avaler carrément, comme en breton : lonket em eus e any. Nous avalons
aussi la commission quand on la « mange » ailleurs, ou « on bouffe la consigne »
en français familier. C’est la traduction du verbe lonkañ : avalaer, absorber,
engloutir, mais du coup nous lui donnons le sens figuré « d’oublier » alors
qu’en français d’école, « avaler » correspond, toujours au figuré, à « croire,
admettre ».
« Vous allez arrêter à la fin »
S’écria de sa fenêtre cette brave dame excédée par le bruit des enfants jouant dans la rue.
Elle ne pouvait même pas suivre « Question pour un Champion » à la télé, c’est dire le reuz
(bruit) qu’ils faisaient ! Confusion dans la traduction de a-benn ar fin (à la fin) qui a valeur
d’enfin. Ce « enfin » a aussi un emploi très particulier, chez nous, difficile à traduire en
« bon français ». Comme dans « Pourquoi tu as fait ça, enfin ! » ou « Enfin : T’es pas bien
dans ta tête ou quoi ? ». Notre « enfin », à nous, marque une incompréhension teintée
de réprobation.
« Caféter »
Verbe construit selon la règle bretonne déjà abordée qui veut dire : prendre le café entre amies,
à l’occasion du fameux « 4 heures » de préférence. Mais s’y ajoute une autre activité incontournable,
version moderne des marvailhoù ar poull (radio-lavoir) : flaper, glabousser, klakenner ou
konchenner (commérer en taillant quelques costards sur mesure). On invite à un Kafe bras,
soit un grand café, les voisins et amis à l’occasion de voeux, naissance, mariage, etc…
Le café bras (grand) est servi dans de petites tasses, et le café bihan (petit), celui de
tous les jours, dans de grands bols. Iskiz eo ! (C’est bizarre !).
« Le ballon est logé »
Combien de fois n’ai-je pas entendu cette expression dans la cour de l’école pour dire que le ballon
était bloqué, perché ou inaccessible dans un arbre ou une gouttière. En français, le sens le plus
proche de cet emploi local du verbe « loger » est « faire entrer, faire pénétrer, mettre » mais, là, il
est toujours suivi d’un complément de lieu : Il a logé la balle dans les filets du gardien de but
ou la balle s’est logée dans son crâne. Á Douarnenez, on a « logé » quand on a fait une
bonne pêche.
« Il sait tourner sa crêpe »
Traduction d’une expression (gouzout a ra treiñ e grampouezhenn). Donc, il sait manœuvrer
et, en particulier, orienter en sa faveur une conversation mal engagée. Il réussit, aussi, à
changer d’avis subtilement au cours d’une discussion, grâce à ses talents oratoires, presque
sans que son interlocuteur s’en aperçoive. Cette expression mériterait, elle aussi, de figurer
dans les recueils français. Á ne pas confondre avec l’expression française « (se) retourner
comme une crêpe » : (faire) changer d’avis comme de chemise, changer de côté à sa veste
au milieu de tout (soudainement).
« Celui-là, il sait de lui »
Formulation bien mystérieuse au premier abord. Il faut passer par le breton pour
en comprendre le sens. Savoir de (gouzout diouzh), c’est connaître le fonctionnement
de quelque chose, voire de quelqu’un. Ainsi, « Ce portail, il faut savoir de lui » prévient
que la fermeture ou l’ouverture n’est pas aisée pour les non initiés. Voici une phrase
assassine pour remettre à sa place un chauffeur audacieux mais inexpérimenté :
« Comment il saurait de sa voiture, ce beg-melen (bec-jaune qui vire au blanc traduit
en français), il ne sait même pas de sa brouette !«
« On a toujours payé après nous ! »
Assurait fièrement cette mère de famille. Pourtant, en français standard, cette phrase peut-être
interprétée ainsi : « On laisse des dettes un peu partout et quelqu’un passe payer après notre
passage« . Alors que nous avons affaire ici à une bretonne honnête (pléonasme !), scrupuleuse,
toujours prête à payer ses dettes après elle et même parfois avant qu’on ne lui présente la facture.
Nous faisons aussi un emploi assez large de ce « après » dans « Il est toujours après moi »
dans le sens de : « Il est toujours sur mon dos« .
« Va revr gant al laboused bihan ! »
Cette sublime expression est encore employée dans sa version originale quant on est à
bout d’arguments ou que l’on ne comprend pas une démonstration, comme compter
les oiseaux en français, par exemple. Pas simple pour un bretonnant : un n’oiseau,
très bien, deux n’oiseaux – mais non deux z’oiseaux, trois z’oiseaux, très bien, allez
on continue : quatre z’oiseaux – non, quatre t’oiseaux, donc cinq t’oiseaux alors,
mais non, enfin ! cinq k’oiseaux. Arrivé à sept, découragé devant tant d’illogisme,
un écolier lança un jour à l’instit un sonore et définitif « Va revr (rêr) gant al laboused bihan,
me zo’vont d’ar gêr ! » (mon c.. avec les petits oiseaux, moi je vais à la maison !).
« Mais, celui-ci n’est pas bien ! »
S’il s’agit de la santé physique, on dirait plutôt en français : « Celui-ci ne va pas bien » ou
« Il n’est pas bien portant » en plus académique. Mais il s’agit, ici, de la santé morale ou
mentale, vous l’aviez deviné. La traduction littérale « hemañ n’eo ket mat gant e benn ! »
vous donne un savoureux « Celui-ci n’est pas bien avec sa tête ! ». Donc, il joue avec
sa coiffe. Ce qui ne peut se faire qu’en Bretagne, bien entendu, même s’il s’agit d’un
homme. Ailleurs, on travaille du chapeau !(plus récent : « fêlé de la mansarde! »)
« Toi t’es venu aussi ! »
En plus de l’emploi sympathique du verbe venir, l’emploi de « aussi » (ivez) ajoute une certaine
connivence : « Je suis bien content de te voir ici ». Terminer une phrase par « aussi », c’est également
un prétexte pour engager une conversation, d’essayer de lier connaissance. « Vous savez le breton
aussi ? », sous-entendu « tout comme moi », est une phrase de reconnaissance entre personnes
sachant le breton et ayant plaisir à le pratiquer.
« Toi, tu dois savoir, au moins ! »
Comprendre : tu ne me feras pas croire que tu n’es pas au courant ! « Celui-ci, il est content,
au moins. » signifie « Il est très content. ». « Tu n’as pas été longtemps à faire ton tour au bourg,
au moins. » pour exprimer « Tu n’as pas été très long. ». « Celui-là, il aime bien parler breton, au
moins. » Donc, il aime beaucoup parler notre langue. Traduction du breton « da vihanañ« , sorte
de superlatif ou encore locution dite « d’évidence », placée en fin de phrase et n’admettant pas
de réponse négative.
« Du breton de cuisine »
Plusieurs mots bretons du domaine culinaire, employés tel quels ou francisés,
restent bien vivants dans notre français local. Pour beaucoup d’entre nous, ils
gardent le parfum exquis de l’enfance. certains sont archi-connus comme
kig-ha-farz (viande et far) ou kouign-amann (gâteau au beurre). Évoquons
les pommes de terre, appelées plus souvent « patates » chez nous, mot
péjoratif en français : elles peuvent être disec’h (desséchées), kriennet
ou krigennet (gratinées). Le krign colle au fond de la casserole, c’est un
teuzar (délice) pour les lipous (gourmets).
« C’est la moitié trop cher ! »
Nous avons déjà vu que la « moitié plus » (an hanter muioc’h) correspond à deux fois plus en
français. En effet, si vous partez du chiffre 10 et que vous annoncez : « Non, il y a la moitié plus.« ,
le résultat donnera vingt pour un breton et quinze pour un français. Dans l’autre sens
« La motié moins. », on tombe toutefois d’accord sur le chiffre cinq. Mais si vous entendez :
« C’est la moitié trop cher. » (an hanter re ger eo), ne cherchez pas à diviser le prix par
deux, car il faut comprendre : « C’est beaucoup trop cher !«
« Fiskal ! »
Ne partez pas en courant, cela n’a pas grand-chose à voir avec les impôts. Car si ces derniers relèvent
de la fiscalité, les contribuables, eux, peinent à trouver ça « fiskal« . Spécialité du breton vannetais,
parlé en pays de Pontivy (56), « fiskal » est une expression qui signifie « génial », « excellent » ou « super ».
Un bretonnisme local repéré par Hervé Lossec, qui publiera un second tome sur ces particularités
langagières en novembre 2011.
« Tout le monde a son billet dans le derrière, là-bas ? »
s’inquiétait un chauffeur de car en s’adressant de son poste de conduite, aux passagers
assis à l’arrière de son véhicule. Ainsi rassuré, il pouvait fermer la portière et démarrer
son véhicule. Il confondait simplement arrière et derrière a-dreñv qui ont quasiment
le même sens en breton.
«Arrière-derrière(suite)»
Les voyageurs se pressaient devant la portière avant du car, ne sachant pas qu’à l’arrière
une porte latérale équipait maintenant ce véhicule tout neuf. Notre aimable chauffeur
proposa tout de go : « Attendez, je vais ouvrir mon derrière, comme ça ce sera plus facile
à rentrer dedans. » Personne ne s’est offusqué. Phrase copiée sur le breton montrant la
confusion fréquente entre arrière et derrière tout comme l’emploi particulier du possessif.
«Tapez dedans ! »
Vous dit la maîtresse de maison en apportant le plat sur la table. Il faut comprendre :
servez-vous largement ! dans le jargon sportif, ce sera : produire un effort ; et dans le
domaine mécanique ; tirer sur un moteur, l’amener à son maximum; en breton, on
peut dire ainsi skoit-e-barzh (tapez dedans !) ou sachit ganeoc’h (tirez avec vous !), pour souhaiter bon appétit.
« Vous êtes en même temps ? »
… demanda la vendeuse à deux clientes qui papotaient en attendant leur tour. Elle voulait dire
« Vous êtes ensemble ?« , bien sûr. « En même temps » peut également prendre le sens de « ce n’est
pas étonnant car… » Comme dans les phrases suivantes : « Il est mort jeune ! En même temps, il ne
refusait jamais un coup à boire. » Ou encore : « Elle a souvent mal à la gorge, en même temps elle
n’allume jamais son chauffage.«
« Spontus »
Cet adjectif est très employé en breton, seul ou pour renforcer un autre adjectif. Il veut dire tout à
la fois et suivant le contexte, effrayant, terrible, épouvantable, formidable, extraordinaire, merveilleux.
On comprend donc pourquoi cet élève préfère ce néologisme magnifique dans sa rédaction : « A Brest,
les rues sont spontusement décorées à l’époque de Noël« . Bien plus expressif que somptueusement, sans aucun doute.
« Celui-là, il est toujours à randoner du matin au soir »
Ce n’est pas un marcheur impénitent, un adepte de la randonnée ou de la marche nordique, mais un radoteur, un discoureur ennuyeux, un randoneur donc, avec un seul n. Mot construit à partir du verbe randoniñ) du même sens. Il y a parfois des randonneurs qui sont randoneurs. Qu’est-ce qu’il est rengaine dira-t-on alors, en utilisant bizarrement ce mot français comme adjectif. Le Grand Larousse et le Petit Robert n’avaient pas prévu cela.
« Kenavo ! »
Sans doute le mot breton le plus connu et couramment employé en français. Ken a vo ou (Ken a vezo en
version longue) se traduit mot à mot, par « jusque ce sera », sous-entendu « jusqu’à ce qu’il y ait une prochaine ».
L’adverbe Kenavo est employé aujourd’hui dans le sens de « au revoir ». Kenavo donc aux fidèles lecteurs de
cette rubrique d’été. Du goût, on a eu ensemble, et du goût vous en aurez encore, une ventrée (ur c’hovad)
de plaisir (plijadur) en lisant le tome 2 des Bretonnismes dès novembre prochain. Kenavo et trugarez
deoc’h (merci à vous) !
J’ai souligné ceux que j’ai entendu petite et que je pratique parfois, même si
je sais que ce n’est pas du français orthodoxe….